Le monde merveilleux d'un fabricant de guitares

Gros plan sur la guitare classique

Florian Chauvet, luthier et musicien basé à Fondettes, nous a ouvert les portes de son atelier pour nous parler de ses métiers de luthier et de guitariste, et de ses guitares ...

 

Gounod Blaster (GB) : Bonjour Florian, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Florian Chauvet (FC) : Je suis un luthier « autodidacte ». Jusqu’à l’année dernière j’étais aussi professeur de guitare. Maintenant je consacre quasiment tout mon temps à la lutherie. Je m’y suis vraiment intéressé grâce à un livre que j’ai trouvé dans une librairie de Tours. C’était un vieux bouquin qui décrivait très minutieusement tous les gestes à faire pour construire une guitare, comme une recette de cuisine ! J’ai commandé du bois, des outils et j’ai commencé à construire ma première guitare. C’était long, mais j’ai trouvé ça super et je n’ai jamais arrêté.

 

GB : Qu’a donné cette première guitare ?

FC : Elle ne sonnait pas si mal. Mais le réglage était tellement approximatif qu’elle n’était pas très agréable à jouer … C’est une guitare avec un fond en cyprès, comme les guitares « flamenco », et une table en épicéa.

 

GB : Donc tu t’es formé « sur le tas », au fur et à mesure de tes recherches et de tes expérimentations ?

FC : J’allais souvent chez Alain Raifort (luthier tourangeau). On discutait et je regardais ce qu’il faisait. J’ai aussi eu de l’aide de la part de Didier Jarny, un luthier de luths. Un jour j’ai fabriqué une guitare Renaissance et je suis allé le voir. On a dessiné des plans ensemble. Il était très ouvert à la discussion et m’a montré énormément de choses ! À part ça, je n’ai pas eu de véritable formation. Comme c’était au moment de la naissance d’Internet, j’ai pu y apprendre la majorité des gestes. Encore aujourd’hui, quand je ne suis pas à l’aise avec quelque chose je regarde sur Internet. J’espère ne jamais m’arrêter d’apprendre !

 

GB : Tu es aussi guitariste (en quatuor, en solo, etc.) en plus d’être luthier. Est-ce que tu arrives à concilier ta vie de luthier et celle de musicien ?

FC : Oui c’est une histoire d’organisation. Je me suis aménagé un emploi du temps pour réussir à gérer les deux. C’est encore plus possible aujourd’hui, parce qu’il y a de plus en plus de machines dans l’atelier du luthier moderne. Comme le musicien cherche à éliminer les tensions, il faut faire attention à ne pas les accumuler.

J’ai des concerts en quatuor et en solo de prévu. C’est motivant ! J’aimerais ne pas abandonner tout cela.

 

GB : Parlons de tes guitares. Quelles sont les grandes étapes de construction d’une guitare ?

FC : Il y a deux grandes visions des choses pour construire une guitare. Soit on la construit comme un violon, c’est-à-dire que l’on fabrique la caisse, puis le manche, et on assemble les deux. Soit comme je fais, et comme beaucoup font : on construit la guitare en faisant en sorte que toutes les parties soient mêlées les unes aux autres. C’est la méthode « espagnole ». Le manche a une partie du talon sculptée de telle façon à ce que les éclisses viennent s’enclencher dedans. En bref, on colle le manche sur la table, les éclisses s’enclenchent et on ferme la boîte. De ce fait, le talon fait l’unité de la guitare, c’est la pièce centrale. C’est une intéressante manière de procéder car la guitare n’est pas conçue en isolant les parties, mais en les unifiant. On peut voir la guitare comme un corps humain où tous les organes sont interdépendants et fonctionnent ensemble. Si on isolait les parties intellectuellement, on obtiendrait une guitare différente qui sonnerait peut-être moins naturellement et/ou spontanément.

Ensuite dans la lutherie il y a deux écoles. Il faut savoir si l’on cherche à accomplir des performances techniques en termes de volume, de projection mais avec un son un peu plus froid qui nécessitera d’être un peu plus travaillé ou alors si l’on veut un son plus chantant mais peut-être un peu moins puissant. Je préfère les guitares plus chantantes, mais il faut toujours faire des compromis.

Au fur et à mesure de l’évolution de ma lutherie, je me tourne inconsciemment vers le son que j’apprécie. Au début je voulais concevoir la meilleure guitare du monde, mais je me suis vite rendu compte qu’il y avait plein d’excellentes guitares, pour tous les goûts et que c’était au musicien et au luthier de savoir ce qu’ils voulaient, ce qu’ils aimaient. Je suis donc revenu vers un instrument tout à fait « classique », mis à part qu’il y a une double-table et que le barrage n’est pas traditionnel.

 

GB : Peux-tu nous en dire plus sur la double-table ?

FC : C’est une table qui n’est pas complètement en bois massif. Il y a deux tables qui entourent de part et d’autre une fibre synthétique ajourée en nid d’abeilles. Il y a plus de vide que de plein, ça apporte de la légèreté à la table, de l’homogénéité dans les tensions et entre les guitares.

 

GB : Quel est le temps approximatif de fabrication d’une guitare ?

FC : C’est la question piège à laquelle je n’ai jamais su répondre ! Souvent quand tu construis une guitare, il y en a d’autres sur l’établi. En ce moment par exemple j’en ai cinq en cours dans l’atelier, et comme je fais les étapes préliminaires en série j’ai un peu de mal à concevoir ce temps. Quand je donnais encore des cours, je faisais quatre guitares par an. Je devrais passer à six, puis à huit dans quelques années.

 

GB : Tu n’as pas trop de commandes à gérer ?

FC : Rémi Jousselme (professeur de guitare au CRR Francis Poulenc de Tours) a été le premier guitariste à m’acheter une guitare et à jouer un peu partout avec. Il a diffusé l’instrument, et j’ai eu pas mal de commandes par la suite. D’abord des professeurs de conservatoires, comme Tristan Manoukian par exemple (professeur de guitare au CNSMDP), leurs élèves, les amis d’élèves, etc. La transmission s’est faite par le bouche à oreille. En ce moment j’ai pas mal d’appels mais pas de commande ferme. Je ne me fais pas de souci commercial, j’ai assez confiance en ce que je fais et je n’ai jamais gardé les guitares longtemps !

GB : En plus le rapport qualité/prix vaut vraiment le coup pour des guitares classiques de concert !

FC : J’aimerais rester sur des guitares à 5 000 € le plus longtemps possible. J’aime bien vendre aux étudiants donc il faut que cela soit accessible. Et puis c’est possible de vendre ses guitares à 5 000 € et d’en vivre. Le problème est que les gens se disent « plus c’est cher, mieux c’est ».  L’image que tu renvoies avec le prix de tes instruments joue aussi … Je ne veux pas du tout fonctionner dans cette optique, parce que ce n’est pas mon idéologie sociale ! En plus, si tu vends de bonnes guitares et qu’elles sont abordables, inutile de faire de la communication. Je n’ai pas envie d’être un « vendeur » de guitares. Je veux en fabriquer, vivre tranquillement et rencontrer des gens.

Vous trouverez un autre article sur le sujet dans notre journal papier disponible depuis le 15 novembre dans les environs de la faculté de musicologie de Tours ! Si vous voulez essayer une guitare Chauvet ou avez besoin de renseignements, vous trouverez ses coordonnées sur son site Internet (http://chauvetflorian.wixsite.com/chauvet-guitars), et pour plus d'informations vous pouvez le rejoindre sur Facebook !

Publié le : 16/11/2018 à 14:08
Mise à jour : 01/06/2019 à 16:32
Auteur : Elio Laporterie
Catégorie : Interviews

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